Le 05 Janvier 2010 – Le Progrès. Laurence Hamonière
A la tête de l’entreprise familiale, il perpétue une histoire de passion depuis quatre générations
Mon arrière-grand-père est descendu du Jura pour s’installer à Lyon vers 1920 où il a ouvert une fromagerie, alors située rue Paul Bert. L’entreprise Janier s’est ensuite installée « à l’endroit où se trouve maintenant le collège, qui se situe rue Seguin – cela ne s’invente pas, dans le 2e. C’était autrefois le quartier des fromagers, «le Carreau » avec ses chambres frigorifiques et ses bureaux, implantés au Sud de Perrache en raison de la proximité commode de la gare (pour le fret) et des entrepôts frigorifiques. Une époque où l’on glaçait les wagons avec des pains de glace »… Christian Janier est donc né à Lyon. Après le collège chez les Lazaristes, puis le lycée à Limonest où il passe brillamment son bac D biologie option agriculture à l’Institut Sandar, il entreprend l’école d’industrie laitière à Poligny – la célèbre capitale du comté – dans le Jura où il obtient un BTS.
Ici, la spécialité, ce sont les fromages artisanaux
Il avoue qu’à partir du lycée, il buvait du petit-lait et qu’il a beaucoup appris à Poligny et dans les fermes où il a fait des stages. «Car on ne peut pas comprendre l’affinage si on ne comprend pas la fabrication, mais aussi la production laitière et les récoltes qui servent à l’alimentation». De retour à Lyon, il travaille immédiatement, « mais tout en bas et j’ai tout fait» dans l’entreprise tenue par son père Maurice qui a su résister à l’industrialisation de la production de fromages. II reste, en effet, peu de grossistes en fromage à Lyon. Ici, la spécialité, ce sont les fromages artisanaux, au lait cru, loin de la standardisation de la grande distribution. Le lait change tous les jours, on fait beaucoup d’affinage sur zone explique ce maître en la matière qui a gagné le concours du meilleur ouvrier de France (MOF), classe fromagerie, en 2000 et qui se déplace sur les lieux de production pour choisir ses fournisseurs, en France et à l’étranger, où il fait travailler, en tout, plus de 800 fermes. C’est un long travail : «J’ai mis trois ans à avoir la mozzarelle que je souhaitais». Ses clients, des fromageries de détail, se trouvent dans tout l’Hexagone et à l’étranger comme en Allemagne où il exporte de gros volumes et même jusqu’au Japon où il a quelques clients . à Osaka et Tokyo. «J’ai plus de mal aujourd’hui à trouver des fournisseurs que des clients, confie ce gourmet qui a aussi la passion du vin et de la cuisine car « à table, on communie ». Christian Janier est aussi président des MOF du Rhône depuis 2007, une association qui compte beaucoup pour lui : une famille, celle de la recherche de la perfection avec la volonté de partager et de transmettre.
« Un nombre impair comme pour des fleurs»
« Sur un plateau, il faut toujours mettre un nombre impair de fromages, comme pour les fleurs d’un bouquet. Et pas trop ; l’idéal, c’est 3 ou 5 en essayant que toutes les familles soient représentées, mais on peut aussi n’en mettre qu’un seul. La chèvre, ce n’est pas le moment, car la lactation se fait de février à novembre, donc actuellement normalement, il n’y a pas de lait frais. Cette remarque ne concerne bien sûr pas les, fromages de chèvre secs qui ont des semaines d’affinage. Choisir donc suivant la saison. Le fromage pour un puriste peut se suffire à lui même. Utiliser les fruits secs uniquement pour la décoration. Du pain, de préférence plutôt neutre et du vin, pour moi plutôt rouge. Pour le plateau, préférez les matières naturelles comme le bois ou l’ardoise et si possible disposez un couteau par fromage. Puis commencez par le plus doux et allez crescendo vers celui qui est le plus typé ».
« A 6 ans, j’aidais papa à la fromagerie », indique Christian Janier qui en a aujourd’hui 41. Là entre les photos de l’arrière-grand-père et du grand-père / Photo L. Hamoniere
7 employés, 850 m2 d’affinage et 750 tonnes vendues par an
/ Photo L. Hamonière
Spécialisée dans l’affinage et le négoce de fromages fermiers français et étrangers de tradition et plus spécifiquement dans les pâtes pressées non cuites (salers, saint-nectaire, osso irati, morbier) et les pâtes pressées cuites (comté, beaufort, fromages suisses comme le fribourg), l’entreprise possède 800 m2 d’affinage avec neuf chambres.
Une pour chaque type de produit et la possibilité de moduler les paramètres de température, d’hygrométrie et d’équilibre gazeux en fonction des variations de la production et du temps qu’il fait. Affiner un fromage – les soins apportés peuvent être le brossage, le séchage, le frottage et le lavage et diffèrent suivant les sept familles de fromage (classification suivant la nature de la pâte et sa présentation) -_ c’est entre cinq et plus de cinquante mouvements. Une meule de comté pèse entre 40 et 45 kg, de beaufort entre 45 et 50 kg et d’emmental, 90 kg. L’entreprise emploie sept personnes et vend chaque année 750 tonnes de fromage.
Dans la cave d’affinage, il sonde au marteau les meules de comté