Formation. Après avoir connu les affres et les plaisirs du concours de Meilleur ouvrier de France (Mof), Alain Leny est devenu militant. Au sein de l’entreprise qu’il a créée, il forme des prétendants au titre et lei conduit à l’excellence.
Quand on devient Mof, ce n’est que le début d’une aventure. Car ensuite, il faut toujours se montrer digne de l’excellence ». Les yeux pétillants et le sourire accroché aux lèvres, Alain Leny parle avec passion. De son métier de couvreur mais également de sa règle ‘d’or : « Il faut transmettre notre savoir-faire ».
« Papy, je veux être couvreur »
Après avoir effectué quelques étapes d’un tour de France, entamé avant son service militaire, Alain Leny rejoint son père dans l’entreprise familiale… de couverture, dans le Beaujolais. « Je ne voulais pas le décevoir, je n’ai donc pas achevé mon tour de France ». En 1963, il crée sa propre société, installée aujourd’hui dans le quartier des Longes à Dardilly.
À 40 ans, il décide de préparer le concours de Meilleur ouvrier de France. « À l’époque, il m’a fallu neuf mois pour réaliser mol’ oeuvre, soit 1 200 heures de travail. Et j’ai terminé le dernier jour à la dernière heure. Aujourd’hui, le cahier des charges est un peu allégé, il faut environ 600 heures aux prétendants au titre ». Convaincu que la seule façon de pérenniser les métiers de l’artisanat et leur savoir-faire est la transmission, il s’engage dans un parcours militant « J’ai pris des responsabilités au sein de la fédération du BTP Rhône. Je me suis bagarré pour ouvrir une section couvreur dans la région Rhône-Alpes, car avant, il fallait aller à Autun, en Saône-et-Loire pour se former. La section s’est ouverte en 1982 ». II montre l’exemple : l’entreprise accueille en permanence une dizaine de jeunes en formation.
En 2000, le patron décide de raccrocher. La relève est assurée puisque ses deux fils, Jean-Christophe et Arnaud, reprennent le flambeau. Mais Alain Leny conserve la partie formation des futurs Mof. « Je les incite fortement à s’inscrire au concours, puis je les suis jusqu’au bout».
Qui sait si un jour son petit-fils décrochera le titre suprême ? En attendant, il vient d’intégrer l’entreprise familiale. « On a fait un chantier ensemble. J’avais déjà arrêté, mais pour le symbole, j’ai souhaité faire le clocher de Saint-Pierre-de-Chandieu qui avait été l’un des premiers chantiers avec mon père. En rentrant, mon petit-fils m’a annoncé : « Papy, c’est un grand jour, je veux être couvreur ».
La société Leny, une affaire de famille : Alain, au centre. a passé le flambeau à ses fils Amaud (à gauche) et Jean-Christophe. En bas, l’atelier de fabrication où tes pièces sont usinées.
Photos Myriam Morts
Transmettre le savoir-faire
Au sein de la société Leny, les apprentis sont bichonnés. La plus grande partie des équipes est formée sur place, dès le CAP. Actuellement, des jeunes préparant un brevet professionnel (deux), un BTS (un), un brevet technique (un) et un CAP (quatre) figurent à l’effectif de l’entreprise.
Un conducteur de travaux, champion du monde de couverture métallique en 2008, a obtenu une médaille de bronze 2009 pour ses qualités d’enseignement et de coaching.
Quatre meilleurs ouvriers de France figurent au palmarès de la société : Alain Leny (1979), Marcel Bochet (2000), Jean-Pierre Bracquemont (2004) et Thomas Joseph (2011).
61 personnes sont employées par la société :17 administratifs, 2 chargés d’affaires, 2 conducteurs de travaux, 16 chefs d’équipes couvreurs-zingueurs,
17 ouvriers couvreurs-zingueurs, 4 apprentis et 3 compagnons du Tour de France.
« C’était le cadre idéal professionnellement Thomas Joseph est le dernier meilleur ouvrier de France issu de l’entreprise Leny. ll a obtenu le titre en 2011. « je travaillais chez Alain Leny depuis trois ou quatre ans. Il n’a pas eu trop de mal à me convaincre car pavais déjà dans l’idée de participer au concours, je me sentais capable. Mais c’est vrai que c’était le cadre idéal professionnellement pour aboutir. C’est important d’avoir un parrainage, un regard extérieur qui juge la technique. Et ma compagne discutait de l’esthétisme de mon œuvre.
Mon pire souvenir dans cette aventure reste le toit de la tourelle en ardoises. Je ne m’y étais pas pris correctement. J’en étais conscient, mais te temps est compté et recommencer représentait une centaine d’heures en plus. je n’y ai pas échappé : un jour, Alain Leny m’a fait comprendre que je ne pouvais pas reculer et qu’il fallait démonter. Mais il y a eu ce jeudi matin, à 9 heures, où il m’a téléphoné en m’annonçant la nouvelle. Elle était positive, ça a été un véritable soulagement. Cette expérience nous donne le goût du travail bien fait, mais on apprend aussi sur soi-même : on découvre la patience et la persévérance ». Aujourd’hui, Thomas Joseph vient de reprendre une entreprise, dans l’Ain et a déjà embauché un apprenti.